L'autre Bout du ciel
Penser au-delà de notre existence
Car l’âme humaine n’est pas soluble, semble-t-il, dans ce qui est plus grand qu’elle. N’est ce pourtant pas là sa vocation, sa raison d’être? N’est-elle pas ce qui nous élève vers le toit des étoiles, vers les rayons de la nuit infinie ? On nous l’a promis dans toutes les langues, ce halo infiniment plus fin que notre chair, l’essence même de notre être. Quelle mélodie secrète nous chantent les livres que l’on nous tend depuis l’aube des siècles, qui entonnent les refrains lancinants d’une conduite pure et absolue, qui s’imposent au-delà de toute autre évidence et dont les auteurs n’ont pas signé de leur nom car ils chantent au nom d’un Autre? N’ont-ils d’autre trésor pour nous que d’apaiser nos consciences, nous confiner eux aussi devant l’autel d’un narcissisme de cendres? Mais notre conscience n’a d’autre voyage que notre course sur terre, elle s’enfuira, comme elle le fait chaque nuit, pour s’évanouir avec notre dernier songe.
L’âme, c’est ce jeune enfant qui regarde le vieil homme offrir des graines au sol fertile. “Que fais-tu grand père?” “Tu le vois bien, je plante des graines pour faire pousser des arbres”. L’enfant hésite mais ne peux retenir sa pensée. “Mais, grand père, a ton âge? Tu ne seras même pas là pour les voir grandir”. Le vieil homme sourit et regarde l’enfant. “Ces graines feront pousser des caroubiers, ces arbres qui ne donnent leur plus belles fleurs et le meilleur de leurs fruits qu’au bout de cent ans. Ce qui veut dire que toi non plus, tu ne les verras pas grandir.” Sur ces mots, il tend les grains a l’enfant qui hésite, sourit à son tour et se met à semer.
Quelle autre espièglerie nous faut-il encore comprendre et accepter? Alors que tout, dans notre époque, nous pousse à l’immédiat, à l’ici et maintenant, que tout est conditionné au plaisir et à la récompense prompte et personnelle, nous sommes avides du moindre signe qui nous arrachera a notre implacable insignifiance au regard de l’éternité. Qui veut maintenant nous expliquer que l’âme n’a de grandeur que si elle œuvre à un évènement que nous ne serons pas là pour voir, pas là pour en récolter les richesses? Ce qui est au-delà, ne l’est pas dans l’espace, mais dans le temps. Quel livre, quel prêcheur nous l’explique ? Quel poème nous y invite? Quel philosophe nous y incite?
Notre âme est vive, vibrante. Elle est notre flèche consciente, délibérée, vers un lendemain lointain dont nous seront absents. Elle est la lumière de notre imagination, la fille de notre vision enchantée, notre pouvoir de création, une intention qui voyagera de lune en lune, et qui sait, une étincelle qui nous retrouvera peut être, revenus à la vie, à l’autre bout du ciel.